lundi 2 janvier 2012

La vie de Charles François DAUBIGNY et son passage sur l’Isle Cremieu


Charles François DAUBIGNY (1817-1878)
Vous avez  tous entendu parler de la ville de Cincinnati dans l’état de l’Ohio aux Etats-Unis, ainsi que de celle de Saint-Pétersbourg en Russie qui a été appelée au cours du XXème siècle Leningrad voir Petrograd avant de redevenir Saint-Pétersbourg. Qui n’a pas entendu parler de Napoléon III (premier Président de la République Française avant de devenir Empereur).

Vous allez me dire  « mais quel rapport avec notre village », et pourtant il y en a un, il se nomme « L’Etang de Gylieu ». Et oui une partie de Siccieu Saint Julien Carizieu est visible aux USA  et en RUSSIE par l’intermédiaire de tableaux peints par un célèbre artiste qu’est Charles François DAUBIGNY. Et l’un d’eux (le tableau du musée de Cincinnati) a appartenu à Napoléon III.

Qui était Charles François DAUBIGNY ? Il est difficile de rencontrer carrière plus unie. Il est né à Paris le 15 février 1817, dans une famille d’artiste. Il fut un des peintres qui formaient le groupe de l’école de Barbizon (1), et par ailleurs considéré comme un des précurseurs majeurs de l’impressionnisme. Tandis qu’il grandissait, son père, Edme François (1789-1843), élève de Bertin, exposait aux Salons des paysages des environs de Paris. Le jeune DAUBIGNY devint donc tout naturellement paysagiste, et il semble ne s’être jamais douté qu’il pût exister d’autre profession. Il joua tout enfant avec les crayons et le pinceau, mais il était d’une santé délicate ; sa mère redoutait pour lui les brusques transitions de la température élevée de l’école à l’air vif de la rue, et le gardait volontiers à la maison. Daubigny sut donc en quelque sorte dessiner avant de savoir lire. A quinze ans, le jeune Daubigny peignait déjà des dessus de boîtes de Spa, et autres menus ouvrages de commerce dont le produit payait sa modique pension à la table commune ; il fit jusqu’à des tableaux-pendules, pour Robert, horloger, rue Portefois.

A dix-sept ans il se suffisait à lui-même. Mais un désir le tourmenta bientôt avec la ténacité d’une idée fixe : voir l’Italie. Les vues des environs de Naples que peignait son père avaient occupé ses longues contemplations d’enfant ; il était bien naturel que son ardente imagination lui représentât l’Italie comme l’archétype du Beau. C’était d’ailleurs à cette époque le pèlerinage obligé pour quiconque se vouait à l’art de peindre, et Daubigny débuta tout comme un autre par cet acte d’orthodoxie. Daubigny avait confié ses désirs à un jeune camarade, peintre comme lui, nommé Mignan, et il n’avait pas eu de peine à le lui le faire partager. Daubigny visita Florence, Rome, Naples, parcourant les musées, dessinant les monuments, étudiant ces campagnes héroïques. Ils avaient vécu onze mois en Italie avec un budget de 1400 francs. L’Italie ouvrit son imagination aux belles choses, mais, à raison de son âge, elle n’eut aucune influence appréciable sur son talent.

Au retour, Daubigny dut entrer pour vivre, dans l’atelier de réparation de tableaux dirigé par Granet au musée du Louvre ; mais il manquait de vocation, et Granet ne tarda pas à lui donner son congé. Il s’associa alors à trois jeunes artistes : Steinbel, Geoffroy Dechaume et Trimolet, qui devaient acquérir une certaine célébrité comme caricaturistes. Ils fixèrent, dit l’un des biographes de Daubigny, leur phalanstère artistique rue des Amandières, dans une maisonnette agréablement plantée au milieu d’un potager. La caisse était commune, la table frugale, mais saine. La simplicité de leur existence les rendait presque riches. Ils faisaient des dessins pour la publication illustrée, et chaque année l’un d'eux préparait un tableau pour l’Exposition, aux frais de la communauté, qui ne négligeait rien afin d’en assurer le succès. Ce fut de la sorte que Daubigny exposa à son tour, en 1840, un Saint Jérôme dans le désert, terrible amoncellement de rochers. En même temps il envoyait une vue prise dans la vallée d’Oisans (Isère), où il montrait bien mieux ce qu’il devait être.

Dès lors Daubigny ne manqua plus guère de Salons, et peu à peu il conquit sa place parmi les maîtres du paysage, parmi ceux qui éprouvaient le sentiment le plus sincère et le plus profond du charme de la nature.

Dans le courant de 1852, Daubigny entreprit un nouveau voyage en Dauphiné, en compagnie de Corot, avec qui il s’était lié d’amitié. Il délaissa cette fois les montagnes de la Romanche pour explorer les paysages moins tourmentés du nord de l’Isère, qu’il avait découverts lors d’une excursion en 1849. «  Crémieu, écrivait-il à cette époque, est un pays magnifique. C’est d’un sauvage étonnant. Il y en a du reste pour tous les goûts, tant c’est varié de caractères…Je suis bien fâché de n’être pas venu de suite dans ce pays où tous les beaux endroits sont à dix minutes de chemin de mon auberge » Après un séjour à Crémieu, Daubigny laisse son compagnon de route et vint s’installer seul à Optevoz. « Je pars demain pour Optevoz,  chez M. Giroux, aubergiste, département de l’Isère où j’ai commencé des études….Je suis dans un pays très beau, bien supérieur à Crémieu. Ce sont des marécages et des fonds magnifiques. Si le père Corot n’avait pas eu l’idée fixe de revenir à Crémieu, je serais peut-être resté à Genève, car les bords du lac m’ont paru superbes. Au reste, il n’en faut pas tant et quand je vais avoir fini quelques études, je reviendrai probablement finir la saison près de Paris ou en Bourgogne où je voudrais faire des vendanges ».

Comme le Morvan, toute cette nature aux grandes lignes froides ne parvenait pas d’ailleurs à satisfaire complètement Daubigny. Il s’y sentait trop étranger, obligé de n’en saisir que l’enveloppe superficielle. « Je fais quelques dessins car je ne retournerai pas de sitôt dans ces pays qui sont d’un caractère tout opposé à ce que nous voyons tous les jours ; ou alors il faudrait y vivre ». Il y trouvait quelque chose d’un peu solennel, une immobilité trop rigide qui s’accordait mal avec l’intimité qu’il cherchait. »Voulant faire le plus possible la vie active de la campagne, le type du pays de Crémieu se refuse à cela ; on sent partout le besoin de la présence du berger Acis et de la belle Galatée (2). Un tas de fumier vous gêne. Je comprends la préoccupation des Lyonnais peintres à professer le genre classique des Beaux-arts. Ils y sont forcés par le pays. Seulement les malheureux devraient au moins copier juste. Mais ils font une rengaine détestables ». (Lettres communiquées par M. Geoffroy-Dechaume).

Le Marais d’Optevoz, de ce dessin au caractère noble et puissant, il faut rapprocher les toiles que Daubigny exposa au Salon de 1853, Le Vallon d’Optevoz et l’Etang de Gylieu (sur le livret de l’exposition il était mentionné comme appartenant à l’Empereur).

L’Etang de Gylieu, Charle François DAUBIGNY 1853, Musée de Cincinnati

 Elles y remportèrent un succès considérable qui valut au peintre la première médaille. La critique fut unanime à signaler l’étrange impression de solitude qui se dégageait de ces paysages dénudés, d’un réalisme si profond.  « Ne vous est-il pas arrivé, dans vos explorations de touristes, écrivait Clément de Ris dans l’Artiste, de voir tout à coup s’ouvrir, sous vos pas, dans un pli de terrain, un petit vallon calme, reposé, pleins de forme élégantes et tranquilles, de couleurs discrètes et harmonieuses, d’ombres et de clartés adoucies, bordé par des coteaux aux croupes amènes et fuyantes, et donc aucun pas ne semblait avoir troublé le poétique silence ? Un étang, placé là comme un miroir, en réfléchissait l’image, et portait sur les bords de sa coupe des gerbes de roseaux, et de pas-d’âne, de flèches et de fraisiers d’eau, les fleurs blanches et jaune du nénuphar, au milieu desquelles fourmillait un monde bourdonnant d’insectes et de moucherons. A votre approche quelque cigogne, occupée à lustrer son plumage, s’envolait en faisant claquer son bec ; la bécassine filait en poussant son petit cri ; puis tout retombait dans le silence, et le vallon, vous accueillant comme un hôte, reprenait sous vos yeux sont mystérieux travail. C’est en effet, ces couleurs et ces harmonies qu’a rendus M. Daubigny dans l’Etang de Gylieu. La limpidité des eaux, la clarté et la finesse du ciel, la fraîcheur de l’air sont intraduisibles. Ce tableau s’aspire autant qu’il se regarde, et il s’en échappe je ne sais quel arôme de feuille mouillée qui finit par vous enivrer. »

Et que dire de l’article de  Henry de la Madelène dans la revue hebdomadaire L’Eclair N° 50 du 10 décembre 1853 : « L’école des paysagistes est en ce moment la véritable gloire artistique de la France. Constater ses progrès, sa force, son éclat, est devenu aujourd’hui un lieu commun, une banalité courante. Heureuse école ! heureuse banalité ! jamais, en effet, en France un groupe n’a été si étendu, si serré, si vaillant. Si ce mouvement dure, ses résultats seront vraiment incalculables, et nous n’aurons plus rien à jalouser à la hollande. C’est une école réellement constituée et pleine de vie. Ce qui prouve sa force, c’est qu’à chaque instant on voit arriver des noms inconnus hier, glorieux demain. Elle se renouvelle constamment, et il faut bien le dire, sans parler de l’Académie, je me suis pas sans inquiétude pour l’avenir des autres branches de l’art. Qu’y a-t-il derrière M. Delacroix, Decamps, Delaroche, Couture. Le nom seul de M. Gallait ne donne-t-il pas le frisson ? Les paysagistes, au contraire, sont tous les jours plus nombreux, plus ardents, plus étonnants ; les maîtres se succèdent. Ce qui les distingue, c’est un sentiment de la nature à la fois très profond et très divers. M. Rousseau sent autrement que M. Cabat, sans les contredire. M. Troyon ne ressemble en rien à M. Corot ; dans les mêmes sujets, l’individualité reste entière, et personne ne confondra M. Michel et M. Daubigny. On ne saurait trop le répéter, les paysagistes honorent ce pays ; ils grandissent quand tout s’efface.

En tête selon moi, cette année, se place M. Daubigny. Il y a trois ans M. Daubigny n’était qu’un homme d’un grand talent ; aujourd’hui, c’est un maître parmi les maîtres. La Petite Vallée d’Optevoz dans l’Isère, est une admirable toile, qui impressionne vivement et fait rêver comme une mélodie ; elle repose, elle charme, et il émane d’elle en quelque sorte un calme, une sérénité, une tranquillité indicibles. La nature s’y révèle avec tous ses enchantements mystérieux. Ce cheval qui broute paisiblement l’herbe rase, cette eau, ces jonc, cette pelouse verte, cette douce colline, ce ciel transparent, tout enfin, rafraîchit l’âme et fait éclore des désirs de champs, de soleil et de solitude.

L’Etang de Gylieu, près de cette même vallée d’Optevoz, et d’une transparence et d’une harmonie merveilleuses. Ce qui frappe surtout, sans parler du choix excellent du sujet, c’est le soin exquis des détails, la finesse des nuances, le profond sentiment poétique, sans arrangements, sans minuties puériles, sans rien en un mot qui compromette l’effet général au bénéfice des quelques parties. Il y a là, au milieu des joncs, des glaïeuls, des nénuphars et des jonquilles d’eau, un héron mélancolique, que rien ne trouble en ses rêveries et que l’homme ne viendra pas déranger. Cette absence de l’homme donne à sa nature un aspect indéfinissable, un charme pénétrant, un attrait irrésistible. Que je voudrais pouvoir, quelque jour, arrivé, par ce petit chemin tournant, m’asseoir au bord de ces eaux dormantes, sous ce ciel superbe !

Mr Daubigny méritait ce bonheur : quand on a comme lui, ce sentiment profond, la nature s’épanche en confidences infinies, elle parle en amie à qui sait l’entendre et elle fait un grand peintre de celui qui l’écoute avec simplicité.

L’Entrée de Village, du même maître, est bien inférieure à ces deux toiles. Les chefs-d’œuvre rendent exigeant, et l’Etang de Gylieu me fait sévère pour l’Entrée de Village ; j’aime mieux n’en rien dire et rester sur le goût de ces calmes et émouvantes compositions auxquelles je reviens de si grand cœur et qui assurent à M. Daubigny une place vraiment hors ligne. »

L'écluse dans la vallée d'Optevoz Charles François DAUBIGNY 1855

Malgré l’intention qu’il témoignait dans les lettres écrites durant son voyage. Daubigny n’avait pas tardé à revenir à Optevoz. Un séjour rapide dans le Morvan l’avait déçu. « Décidement j’ai du malheur, écrivait-il en septembre 1854. Encore une fois tout ce que je voulais faire est rasé : arbres coupés, plus d’eau dans la rivière, maisons abattues ! Aussi en désespoir de cause, je me sauve et vais voir si le père éternel n’a pas dérangé les montagnes du Dauphiné. » Quelques jours plus tard, il se félicitait de sa résolution. « Je suis ravi de mon idée, jamais le pays d’Optevoz n’a été si beau et je suis sûr que je vais y faire du bon. »

C’est d’Optevoz qu’il rapporta la principale des toiles qu’il exposa en 1855, L’écluse dans la vallée d’Optevoz. Il atteignait cette fois une note plus profonde. Il semblait avoir enfin pénétré, sous l’apparente monotonie des lignes dont il se plaignait en 1852, le caractère intime du paysage : la tristesse éparse, la mélancolie contenue qui se dégageait de ces larges contours, de cette lumière douce glissant sur les eaux marécageuses. Son œuvre y gagnait une vie plus intense, un sentiment plus délicat que les essais des années précédentes. On ne pouvait qu’être frappé de l’austérité de ce sol dénudé, de ces maigres bouquets d’arbres et du scintillement des grands nénuphars sur les calmes eaux.

Depuis quelques années Daubigny s’était établi dans son pays de prédilection, à Auvers-sur-Oise. « J’ai acheté à Auvers, écrivait-il, un terrain de trente perches tout couvert de haricots, sur lequel on est en train de me bâtir un atelier…avec quelques chambres autour…Le père Corot a trouvé Auvers très beau.. » La présence de Daubigny ne tarda pas à donner à Auvers une sorte de célébrité dans le monde des arts.

Afin de se pénétrer mieux encore de cette nature qui l’environnait, Daubigny voulut transporter son atelier sur la rivière même, vivre complètement au milieu des eaux pour en saisir les aspects les plus fugitifs. Il se fit construire sur une barque une sorte de cabane, il y transporta ses toiles et ses chevalets et se laissa flotter ainsi au cours de l’Oise ou de la Seine. Les laveuses  des bords, surprises de cet appareil inaccoutumé, avaient surnommé la frêle embarcation le botin, la petite boîte.

Bien qu’il fût conquis depuis plusieurs années déjà par Auvers et par les rives de l’Oise, Daubigny signa et data (1868) son Moulin de Gylieu : dernier hommage rendu par le célèbre paysagiste à un pays qu’il avait aimé et illustré.

Le Moulin de Gylieu  Charles François DAUBIGNY 1868
Mais avait-il vraiment un Moulin à l’Etang de Gylieu ? A notre connaissance non, mais peut être que l’un de vous peut nous donner des informations sur le sujet.

Tous ces artistes avaient tellement de succès que les commandes affluaient et quand il leur était demandé une peinture des bords de Seine ils n’hésitaient pas à se mettre sur le bord d’une rivière quelconque et de dire que c’est la Seine pour honorer la commande, alors un moulin sur le bord de l’étang de Gylieu, pourquoi pas.

En 1866, Daubigny visite l'Angleterre et s'y rend à nouveau en 1870 à cause de la guerre Franco-Prusse. Il rencontre Claude Monet à Londres, et partent ensemble pour les Pays-Bas. De retour à Anvers, il rencontre Paul Cézanne et d'autres impressionnistes. On retient aujourd'hui l'idée que nombre de ces jeunes peintres ont été influencés par les idées et la technique de Daubigny.

Fervent défenseur des artistes de la nouvelle génération, en compagnie de Corot, Daubigny ne parviendra pas à faire admettre Cézanne et Renoir au Salon de 1866. Il aura plus de réussite en 1868 et parviendra à imposer Bazille, Monet, Pissarro, Renoir, Degas, Sisley et Berthe Morisot.

Monet et Sisley seront refusés aux Salons de 1869 et 1870. Daubigny et Corot démissionneront alors du jury. Daubigny rejoindra Monet et Pissarro à Londres en 1870. Il les présentera au marchand d'art Durand-Ruel qui fera connaître l'Impressionnisme dans le monde. Monet, Pissarro et Cézanne se retrouveront dans la maison de leur protecteur à Auvers-sur-Oise en 1871.

Daubigny ne survécut pas longtemps à ce triomphe. Usé depuis longtemps par la goutte et les rhumatismes, que ses voyages en bateau n’avaient fait que développer. Il mourut le 19 février 1878.

Daubigny est inhumé au cimetière du Père- Lachaise.

L'Etang de Gylieu Charles François DAUBIGNY 1858, Musée de Saint-Petersbourg

(1)  L’école de Barbizon, groupe de peintres français qui travailla à Barbizon, en lisière de la forêt de Fontainebleau, entre 1840 et 1870, et qui se rendit célèbre par sa conception novatrice de la peinture de plein air.  Unis dans leur opposition aux conventions picturales classiques idéalisées par la très conservatrice Académie des beaux-arts, les peintres de l'école de Barbizon s'inspirèrent du courant anglais contemporain de la peinture de paysages, notamment des œuvres de John Constable et de Richard Parkes Bonington, mais également des paysagistes hollandais du XVIIe siècle. En France, ils se distinguèrent en traitant le paysage comme un sujet en soi et par leur habitude de peindre sur le vif, en extérieur, avant de terminer leurs tableaux en atelier. Ainsi, par l'importance qu'ils attachaient au naturel et à la simplicité, de même que par l'usage de couleurs fraîches appliquées, dès 1855, par fines hachures juxtaposées pour augmenter la lumière, ils jouèrent un rôle fondamental dans la genèse de l'impressionnisme. L'école de Barbizon compta parmi ses membres Théodore Rousseau, chef de file en titre, Charles François Daubigny, Narcisse Virgile Diaz de la Peña, Jules Dupré, Charles-Emile Jacques, Constant Troyon et Jean-François Millet. Chacun eut néanmoins son propre style.

(2) Dans la mythologie grecque, Galatée est une des Néréides (nymphe marine), fille de Nérée et de Doris. Elle habite un rivage de la Sicile. Son nom signifie : « à la peau blanche comme le lait ». Dans les versions les plus courantes de la légende, elle aima et fut aimée du berger Acis. Mais ce dernier fut victime de la jalousie du cyclope Polyphème, également amoureux de Galatée mais disqualifié par ses traits monstrueux. Polyphème, ayant surpris les deux amants, arracha un rocher de l'Etna et le précipita sur Acis. Galatée, voyant des filets de sang sourdre sous le rocher, les changea en rivière, afin de pouvoir s'y baigner tous les jours.

Théophile Gautier disait à propos de Daubigny :
« Il est difficile de rencontrer un talent plus sincère, plus naturel, plus agreste et absolument neuf que celui de Daubigny. Lorsque tant d'autres se tortillent comme des mandragores pour atteindre l'originalité, M. Daubigny a eu cette idée ingénieusement simple, mais qui n'est venue à personne depuis le temps qu'on fait de la peinture, d'ouvrir les yeux, de regarder devant lui, et de rendre ce qu'il voyait, sans y chercher malice. Le premier parmi les paysagistes, il s'est aperçu que les arbres se couvraient de fleurs au printemps, de fleurs roses et blanches qui produisent entre les petites feuilles vertes un fort joli effet, et, tout tranquillement, sur un carré de toile, il a peint les petites feuilles vertes avec leurs fleurs roses et blanches: voilà; cela s'appelle le Printemps, et c'est un chef-d’œuvre. » .


Emile Zola évoquera à plusieurs reprises son admiration pour le travail de Daubigny. Ainsi, à son retour du Salon de 1876, il écrira ces quelques lignes :
"... Je passe aux paysages. On dit que le jury s'est montré particulièrement sévère pour les paysagistes. Il est un fait que les paysages sont relativement peu nombreux au Salon, alors que d'ordinaire ils se comptent par centaines. Malgré l'éclat dont on fait briller le paysage de grands artistes comme Corot, Jules Dupré, Théodore Rousseau et d'autres moins connus, l'Académie a toujours rejeté les paysagistes au deuxième rang. C'est à eux que notre siècle doit son originalité : la belle affaire! le premier débutant venu qui dessine des bonshommes de pain d'épice, sous prétexte qu'il fait de la peinture historique, se croit en droit de siéger plus haut dans la hiérarchie de l'art que les paysagistes. C'est tellement le cas que jamais le jury ne donnera une première médaille à un paysagiste. Un paysagiste doit avoir les cheveux gris avant qu'on lui bâille une récompense. Il se peut que nos jeunes artistes, qui ont beaucoup de sens pratique, aient compris que c'était peine perdue d'envoyer de beaux arbres, alors que des figures laides rapportent de grosses sommes. Heureusement que les génies ne perdent jamais courage. Donc, le paysage est peu représenté au Salon cette année. D'ailleurs, les grands noms ont disparu ; de la bande héroïque des conquérants il ne reste que Daubigny, le peintre merveilleux et véridique des bords de la Seine et de l'Oise. Il nous a révélé les charmes des environs de Paris; il ne s'est guère éloigné à plus de trente kilomètres de la capitale, sauf pour de rares fugues en Normandie ; et je sais des peintres qui, ayant parcouru la Suisse, l'Italie et l'Espagne, ont fait moins de découvertes que lui. Pendant quinze ans il n'a pas vendu ses toiles plus de cinq cents francs. Il est vrai que depuis l'heure du triomphe du paysage il a écoulé tout un ramassis de son atelier pour des sommes fort respectables. Au Salon, on peut trouver son Verger un peu noir. Mais quelle maîtrise dans le rendu de la verdure, quelle science de la vie arboréale ! Des pommiers et des poiriers lourds de fruits se dressent devant nous, leurs troncs couverts de mousse et penchés d'un côté, leurs branches tordues. Il faut connaître les petits jardinets de la banlieue parisienne pour savourer l'impression de vérité qui se dégage de ce tableau où l'on croit respirer la fraîcheur du feuillage, où l'on croit entendre de temps en temps, au milieu d'un profond silence, la chute étouffée d'un fruit. Le ciel, bleu et blanc, un ciel clair de printemps, a le défaut d'atténuer l'opulence de la toile. Mais elle n'en est pas moins la feuille la plus large arrachée au livre de la nature qu'on puisse voir au Salon."

Zola écrira encore :

"Daubigny était peut-être moins profond, mais par contre il avait plus de justesse. Choisissant un autre aspect des environs de Paris, il découvrit le charme pénétrant des bords de la Seine. Pendant trente ans il en a peint les deux rives, d'Auvers jusqu'à Mantes, en fixant sur la toile des coins de paysage le long de l'Oise, jusqu'à L'Isle-Adam. Il adorait cette région, largement arrosée de cours d'eau, avec sa végétation d'un vert cru adouci par les vapeurs argentées des brouillards s'élevant du fleuve. Si Corot conservait encore comme un faible écho des anciens paysages historiques, Daubigny par contre, avec sa bonhomie bourgeoise, son innocence de la composition, hâta la révolution réaliste dans notre école. L'un des premiers, après Paul Huet qui, malgré tout, gardait dans une certaine mesure le bric-à-brac romantique, il alla dans les champs et copia le premier paysage venu. Un coin de rivière, une rangée de peupliers, des pommiers en fleur, tout lui était bon. Et il ne trichait point, il peignait ce qu'il voyait, ne cherchant pas de sujets hors de ce que lui offrait la réalité. C'est en cela que consiste la révolution qui s'est effectuée au sein de notre école. Daubigny fut un défricheur, un maître.
Les résultats de cette méthode devaient déconcerter les gens et bouleverser toutes les idées reçues. Jadis on corrigeait la nature pour lui donner de la grandeur, on trouvait la réalité trop basse à moins qu'elle ne fût adoucie et ennoblie. Cependant il fut démontré que les paysages où se voyait la nature sans fard étaient pleins d'émotion, de force et de grâce, qualités qui avaient toujours manqué aux paysages historiques. On ne saurait rien imaginer de plus froid et en même temps de plus lourd et de plus aride que les paysages composés où les arbres sont arrangés comme les coulisses d'un théâtre et laissent voir les ruines de quelque temple grec sur une colline d'allure conventionnelle. Regardez par contraste un paysage de Daubigny : c'est l'âme de la nature qui vous parle. Il y a dans l'exposition un tableau magnifique, Lever de la lune à Auvers (Seine-et-Oise). La nuit vient de tomber, une ombre transparente voile les champs, tandis que dans un ciel clair monte la pleine lune. On sent là le frémissement silencieux du soir, les derniers bruits des champs qui s'endorment. Cela donne l'impression d'une grandeur limpide, d'une tranquillité pleine de vie. Voilà le style réaliste, fait pour communiquer ce qui est. Nous sommes loin du style classique, tourné vers un idéal surnaturel, où ne se mêle rien de personnel et où la rhétorique étouffe la vie. Je citerai un autre tableau de Daubigny, La Neige, qui était à l'exposition de peinture de 1872. On ne saurait rien imaginer de plus simple et en même temps de plus large. Les champs sont blancs de neige ; un chemin les traverse, bordé à droite et à gauche de pommiers aux branches noueuses. Et sur cette nappe blanche, sur les champs et sur les arbres, toute une énorme volée de corbeaux s'est abattue, des points noirs, immobiles et tournoyants. L'hiver tout entier est là devant nous. De ma vie, je n'ai rien vu de plus mélancolique ; le pinceau de Daubigny, délicat plutôt que puissant, a acquis cette fois-ci une force exceptionnelle pour rendre la vue morne de nos plaines en décembre".
     

Sources bibliographiques:       C. DAUBIGNY et son œuvre gravé de Fréderic Henriet (1875)
                                             L’art de notre temps DAUBIGNY de Jean Laran
                                             Le journal L’Eclair (1853)
                                             Les artistes Français de Victor Fournel (1885) 
                                             Sites et monuments de la région de Crémieu de Andre Chagny (1929)